Elle, c’est Clara Cappagli, voix charnelle et percutante qui chante en anglais. Lui, c’est Armand Butheel, sorcier de toutes les machines qui produisent les sons synthétiques et envoûtants d’Agar Agar.
Fusionnant des références aux Eighties et des tonalités résolument modernes, ce duo parisien a fait de l’electro-pop sa spécialité depuis ses débuts en 2015. Ex-étudiants à l’école d’art de Cergy, où ils se sont rencontrés, Clara et Armand se sont fait repérer par le label indépendant Cracki Records. En septembre dernier, après plusieurs EP, ils ont dévoilé leur premier album, The Dog and The Future, qui s’est classé dans la liste des meilleurs albums de 2018 d’après le NME. Ils ont conclu l’année avec un concert dans la mythique salle de l’Olympia – la scène est l’un de leurs terrains de jeu préféré. Les médias sont fous de ce duo et les articles ne cessent de pulluler.
On peut lire tout et n’importe quoi sur Clara et Armand alors on leur a demandé de réagir aux coupures de presse les concernant.
Sans citer personne, on dit de votre musique que c’est de la « synth-pop acid disco survoltée »…
Armand : Ça ne veut rien dire… Ajoutons reggaeton-hard !
Clara : Sca-punk et metal-harmonic
Armand : Electro-swing. Là t’as tout le spectre de notre musique !
Il paraît que vous avez « un esprit plein de fantaisie aux sonorités spectrales »
Armand : C’est génial ! Ça veut dire beaucoup de choses et rien à la fois.
Clara : C’est nos esprits qui ont des sonorités spectrales ou la fantaisie de notre musique ?
Armand : En réalité, c’est pas mal d’avoir de la fantaisie dans la musique. Un son que je m’imagine spectral, c’est celui de Fantominus (un Pokemon, ndlr.) C’est antinomique ?
Et on lit aussi que vos « morceaux son abstraits mais poétiques ».
Clara : Ça voudrait dire que ce qui est abstrait n’est pas poétique ? Dans la poésie, on voit plein de choses abstraites ! C’est n’importe quoi…
Armand, il paraît que t’es un « sorcier des machines »…
Clara : Oh putain… C’est tellement horrible, ça fait le mec qui sait pas ce qu’il fait !
Armand : Moi ça me dérange pas, je prends ça plutôt bien. J’ai appris à accepter que les gens pensent que je pousse des boutons. À partir du moment où tu as un synthé et une boîte à rythmes, c’est obscur pour les gens parce qu’il n’y aucune éducation musicale autour de ces instruments. C’est la faute de tout le monde et de personne, à la fois… J’aime bien l’aspect sorcellerie.
… « à la désinvolture élégante ».
Armand : C’est dur, ça…
Clara : C’est pas faux !
Armand : C’est toi qui l’a écrit ou quoi ?
Et toi Clara, t’as une « voix charnelle et sensuelle »...
Clara : En fait, on ne parle que de ma voix. Tout le problème est là, on ne parle que de ma voix et de rien d’autre. Pour la presse, je suis « la chanteuse » comme si je bossais pas en studio autant qu’Armand. En gros, je suis une nana et je chante, donc je suis la chanteuse point.
Armand : Nous on fait tout à deux et on y tient. C’est comme quand tu fais de la musique électronique en live et que les gens pensent que t’es un DJ.
Clara : C’est vexant à la longue. Mais en fait, je pense que la presse ne sait pas du tout ce qu’on fait comme musique, ils savent pas si on est en live, si on a un ordi… L’électro, c’est une musique floue pour les gens, et c’est tellement vaste qu’ils s’y perdent. On en revient à ce fameux manque d’éducation autour de ce genre musical.
Armand : C’est cool que tu poses cette question parce que c’est pas juste pour Clara qu’elle soit que « la meuf qui chante ». C’est du sexisme intégré et c’est courant dans notre musique.
Propos recueillis par Sarah Koskievic