Pour réviser un peu avant leur concert à Rock en Seine, voilà trois moments-clés dans la carrière d’At the Drive-In, quintet aussi éphémère que fascinant, qui a marqué le passage d’un siècle à l’autre grâce à son énergie et son talent insolents.
Pour beaucoup, le nom « At the Drive-In », c’est comme une odeur de cannelle, le toucher d’un tissu, le souvenir d’un pays lointain… une madeleine. Il suscite la nostalgie d’un temps où la radio diffusait de la musique à guitares, où le terme « post-hardcore » faisait encore rêver (et non pas bailler), d’un rock flamboyant et urgent, choral, surréaliste, les émotions à fleur de peau.
On parie que vous serez des milliers à prendre un pied monstrueux à Rock en Seine cet été devant la reformation des Texans. Mais pour vous y retrouver parmi leurs mélodies de guitare tirées par les cheveux et leurs rythmiques perdues quelque part entre le punk, la salsa et le hardcore, on vous propose de réviser avec trois dates essentielles dans l’univers du groupe.
Ils décrochent leur premier label grâce à un concert devant neuf personnes
En 1994, cinq potes se réunissent sous le nom les mecs d’At the Drive-In, un groupe de punk rock de plus à El Paso, Texas. En 1994, Fans du hardcore de Fugazi, et de l’indie rock de Built To Spill, le guitariste Jim Ward et le chanteur Cedric Bixler-Zavala intitulent leur nouveau groupe d’après une idée tirée des Bad Brains et une chanson de Poison (!). Un line-up encore instable ne leur empêchera pas de définir ce qui sera à jamais leur credo : « Play honest rock, record it, then tour, tour, tour ».
« Nous avons créé le groupe en 1994 juste dans le but de tourner et de sortir des disques », déclare en 2000 Cedric Bixler-Zavala au magazine Mowno. Tout simplement. Et At the Drive-In s’y est attelé très vite : à peine son premier EP enregistré grâce aux économies de Jim Ward et sorti en novembre 1994, le groupe prend la route avec fureur, comme s’il allait splitter demain. Pour son premier périple, le groupe sillonne les petites salles et les bars du Texas et ne revient qu’après avoir roulé 3 000 kilomètres à travers le Lone Star State.
Moins d’un an plus tard, rebelote : le groupe prend à peine le temps de changer de batteur avant d’enregistrer un second EP, Alfaro Vive, Carajo. Forts de l’expérience réussie de leur première tournée dans leur (gigantesque) Etat natal, les punks d’El Paso placent la barre plus haut : ils s’embarquent pour une tournée de 42 jours et 16 000 kilomètres à travers le pays entier à bord d’un van Ford Econoline de 1981. Leur appétit est immense.
Mais on ne vous fait pas un dessin : malgré son stakhanovisme et des prestations live qui se peaufinent, à ce moment de sa carrière, At the Drive-In est encore un groupe strictement amateur, qui joue une musique destinée à l’underground. Le quintet aurait pu rester une gloire locale à jamais, comme des milliers d’autres groupes, si le déclic n’était jamais arrivé. Et la gloire ne se présente jamais à vous comme vous l’auriez imaginée.
Un soir comme tant d’autres, en 1996, ATDI pose ses amplis dans un rade de Los Angeles aujourd’hui fermé. ATDI branche les guitares, installe la batterie et déballe devant une salle presque vide son set urgent et abrasif, comme tous les soirs. Neuf personnes seulement ont acheté leur place – mais elles ne sont pas venues par hasard : la réputation de puissants showmen du petit groupe d’El Paso le précède.
Par chance, quelques types du label punk rock Flipside assistent au concert : ils sont stupéfiés. Ils filent rencontrer les membres du groupe à la fin du show et leur proposent tout naturellement de sortir un LP. Quelques semaines plus tard, à l’issue d’une nouvelle tournée de trois semaines dans le sud-ouest des Etats-Unis, At the Drive-In retrouve l’équipe de Flipside et enregistre son premier album, Acrobatic Tenement, pour la somme de 600 dollars. « J’étais tellement enthousiaste que j’ai proposé de sortir leur album le soir où je les ai vus », raconte Blaze James, du label Flipside. Un des coups de flair les plus décisifs de l’histoire du rock – et de quoi rêver pour n’importe quel punk qui croit en sa bonne étoile.
Théo Chapuis
(La suite demain)