Issus de plusieurs groupes normands (La Maison Tellier, Radiosofa, Darko, Dallas), les six compagnons qui composent Animal Triste pratiquent un rock ténébreux, crépusculaire et lancinant, qui résonne au plus profond de la nuit dans les allées sombres.
Le même genre d’élixir venimeux qui imprègne des artistes comme Nick Cave and The Bad Seeds, les Black Angels, ou 16 Horsepower. Le grand Peter Hayes, cofondateur de Black Rebel Motorcycle Club, ne s’y est pas trompé : il a immédiatement vu en eux des pairs, des frères d’armes. C’est ainsi qu’on a retrouvé le rarissime Américain à la guitare sur le premier album d’Animal Triste, Night of the Loving Dead, sorti en février.
Un recueil idéal pour découvrir leur musique, avant de voir le groupe entrer en combustion spontanée sur scène.
Un groupe que nous avons rencontré (et qui parle d’une seule voix), pour parler de composition, de live, et de Nick Cave, évidemment.
“Une bonne chanson ? Je pense que c’est une chanson que j’aurais envie d’écouter la nuit en roulant. Je sais que c’est un cliché, mais c’est une chanson qui convoque des images. On a tous roulé la nuit, triste ou heureux. On roule au ralenti, comme dans un film. C’est ça une bonne chanson, je pense. C’est d’ailleurs l’idée de départ du projet.
Dans ma vie de musicien, je fantasmais beaucoup par le passé ces groupes comme The National qui partaient en studio pendant des mois sans idée au préalable. Mais sur notre dernier album, c’est un peu ce qu’il s’est passé. On est allé en studio avec seulement des morceaux de morceaux (rires). Et tout était démocratique, c’était jouissif. On avait des frissons à chaque nouveau titre. Et si un titre ne nous fait pas frissonner, alors il ne sera pas sur l’album.
C’est presque devenu militant aujourd’hui de former un groupe de rock, de prendre ta guitare. Surtout en France, un pays pas très rock. Un mec comme Nick Cave, qui joue cette année à Rock en Seine (et c’est un immense honneur d’être sur la même affiche que lui), que tu aimes ou non sa musique, il a consacré sa vie au rock.
On ne sait jamais vraiment quand une chanson est terminée. Nous, on est plus de l’école, encore une fois, Nick Cave que Metallica. Je pense à une certaine épure, on tente d’éviter la surenchère. Un groupe comme Black Rebel Motorcycle Club était lo-fi au début, puis le son est devenu plus ample. Les chansons restent belles, mais ce n’est plus totalement le même groupe. On ne veut pas trop de maquillage, on veut que ce qu’on trouve sur le disque puisse exister sur scène.
Est-ce qu’être normand change quoi que ce soit pour le groupe ? La scène est vivace. On se connaît tous. On est potes. Pour nous, dans les faits, ça ne change rien car on ferait la même musique ailleurs. Mais on est tout de même les produits des salles de concerts, et moi, j’ai fait une grande partie de mon éducation dans une salle qui s’appelait L’Abordage. Je leur dois beaucoup”.
Propos recueillis par Nico Prat
Photos : Victor Picon