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On a interviewé les filles de groupes mixtes programmés à Rock en Seine, pour savoir si et comment le sexisme se présente dans la musique. Après Deluxe et Thérapie Taxi, Hannah Hooper de Grouplove.
Grouplove, c’est l’histoire de la rencontre, en 2009, de Hannah Hooper, peintre, et Christian Zucconi, chanteur et guitariste. Elle le croise dans un bar new-yorkais, un soir où il donne un concert, apprécie sa musique et va lui parler. Elle l’invite ensuite aussi sec à l’accompagner, alors qu’elle part en résidence d’artistes en Crète. Sur place, ils font la connaissance de Sean Gadd, Andrew Wessen et Ryan Rabin. “Un coup de chance, vraiment”, raconte Hannah Hooper. Le hasard a fait que nous nous sommes tous retrouvés là au même moment.” Et l’alchimie a fonctionné.
À eux cinq, ils forment Grouplove, qui sort son premier album Never Trust a Happy Song en 2011. Depuis, Hannah Hooper et Christian Zucconi se sont mariés, et le groupe a sorti deux nouveaux albums: Spreading Rumours en 2013 et Big Mess en 2016. Ils seront à Rock en Seine le 25 août prochain. L’occasion de tendre le micro à la seule nana du groupe pour notre interview Girl in the band. On y rencontre des femmes qui évoluent entourées d’hommes dans le monde de la musique pour tenter de répondre à cette question: être une femme dans un groupe d’hommes expose-t-il forcément au sexisme?
La fois où on a voulu t’apprendre à chanter?
Ça n’est jamais vraiment arrivé! Il faut savoir que j’ai grandi avec un grand frère, une forte figure maternelle, et mon père aussi m’a beaucoup appris… J’ai su très jeune que j’étais une artiste, et j’ai toujours été très indépendante. Cela complique toute éventuelle attaque sur mon travail: j’ai trouvé assez tôt un équilibre entre rester refermée dans mon univers, et m’ouvrir en même temps sur le monde, le public. C’est ce qui, je pense, m’a protégée.
La fois où on t’a prise pour une groupie?
Si c’est arrivé, je ne l’ai jamais su! Comme je me suis construit ce monde qui m’est propre, je ne remarque pas vraiment si l’on me prend de haut. Quand je suis sur scène, je m’habille de façon très sexy, je crée un personnage très féminin donc je suis, c’est vrai, potentiellement plus fragile face aux attaques. Mais, en dehors de la scène, je suis davantage protégée. J’ai même tendance à m’habiller comme un garçon. L’endroit où il serait le plus simple de venir me rabaisser, ce serait sur scène, sauf que c’est précisément là que je me sens le mieux, le plus libre.
Le truc que tu es la seule à maîtriser dans le groupe?
Je suis la seule à pouvoir porter un enfant! (Rires.) Je dis ça parce que j’en ai eu un avec Christian l’an dernier. Autrement, je suis la seule à faire des arts visuels: c’est moi qui crée les posters, les t-shirts, les couvertures d’album, etc. C’est très important pour moi: j’estime qu’un groupe vraiment complet doit être capable d’apporter tout son univers au public, et cela passe évidemment par la musique mais aussi par toute la dimension visuelle. Comme celle-ci fait partie de ma formation, c’est moi qui m’en charge.
Quand on te dit musicienne, tu penses à qui?
Patti Smith. C’est une figure féminine que j’ai toujours admirée, une artiste complète qui est à la fois poète, musicienne, mère, new-yorkaise, auteure… Elle est constamment artiste, et c’est elle qui m’a fait réaliser que j’étais normale: qu’en tant qu’artiste, il est impossible de se relaxer. On passe tout son temps à créer.
Pourquoi les femmes sont-elles minoritaires dans la musique selon toi?
À mon avis, on devrait moins se focaliser sur le genre, et davantage sur les idées. Mais c’est vrai, je ressens le manque de femmes. Par exemple, en backstage, je suis fréquemment la seule fille. Et je ne saurais pas vraiment dire à quoi c’est dû. Peut-être que c’est parce que les femmes artistes sont plus ouvertes, qu’elles expriment davantage de choses sur scène et que, cette sensibilité, c’est peut-être trop pour certains. Il y a des gens qui préfèrent les choses simples, et peut-être que la musique faite par des femmes, c’est trop pour eux.