Elle, c’est Yumi, chanteuse franco-japonaise dont la voix majestueusement mélancolique rappelle parfois celle de Lana Del Rey. Lui, c’est Moon Boy, producteur malin à califourchon entre pop, electro et hip-hop. A eux deux, Yumi et Moon Boy sont Royaume, groupe lauréat des Inrocks Lab en 2016.
Repéré grâce au single auto-produit Blue Asphalt, ce duo parisien a signé chez Pias et prépare en ce moment même son premier album. Avant de le découvrir, on pourra écouter à partir du 8 juin le prometteur EP Again. Le morceau electro-pop éponyme s’accompagne d’un clip à l’esthétique forte et au message féministe : on y voit un homme attaqué selon l’art japonais du shibari, une sorte de rituel bondage habituellement pratiqué par les femmes. On souhaite à Royaume un règne prospère.
Vous faisiez de la musique avant de vous rencontrer ?
Moon Boy : Moi j’ai eu plein de groupes avant : je faisais du rock, du glam-rock même, de l’électronique aussi un peu.
Yumi : La nouvelle génération est plus ouverte à se nourrir de plein de genres musicaux sans que ça en fasse quelque chose de très sectaire. Il n’y a plus besoin de rattacher un genre musical à une identité. Si la musique te parle, tu peux en faire. Mélanger les genres ne fait pas non-sens. C’est bien, parce que ça veut dire que la France avance.
Moon Boy : De grands artistes anglo-saxons se permettent de jouer avec les frontières des genres musicaux même si c’est une prise de risque. Par exemple, sur le dernier album de Rihanna, elle passe d’un gros son electro à une ballade au piano. En France, on ne prend pas ces risques et nous, on a plutôt une culture anglo-saxonne.
C’est la raison pour laquelle vous chantez en anglais ?
Yumi : Je viens du jazz et de la soul donc la langue me parle car elle me permet de faire passer une émotion. L’anglais me permet d’être plus à l’aise, me met à distance de ma chanson. Chanter en français, c’est comme chanter à poil. Chaque mot compte mais si j’écrivais en français tout devrait être millimétré.
Moon Boy : Elle écrit des textes en anglais d’un super haut niveau. Ils sont très travaillés, il y a des métaphores, il y a différents niveaux de lecture.
Yumi : Il y a un niveau d’exigence, même en anglais.
Ça a changé quoi les Inrocks Lab ?
Moon Boy : Ça a excité les gens du métier, on a trouvé un label. Evidemment, les Inrocks font légion dans ce boulot donc ça nous a bien aidé. Je ne sais pas si ça a été déterminant car nous avions eu un gros buzz avec notre premier morceau. On a été contactés par des gens du monde entier, jusqu’aux Etats-Unis. Une super pointure nous a envoyé un mail et on y croyait pas, on pensait que c’était une blague d’un pote.
Vous vous y attendiez, à ce succès mondial ?
Moon Boy : On était sur le cul, on recevait aussi des mails du public, Je me suis toujours dit que ça devait être fou de vivre ça. Ça a été quelques mois dingues.
Comment vous abordez la scène ?
Yumi : C’est le truc le plus important pour nous. C’est l’aboutissement des heures d’écriture. Tout prend de l’ampleur, tout prend sens. J’ai l’impression que c’est presque plus les mêmes morceaux et tout est à conquérir. Y’a toujours cette putain d’adrénaline parce qu’on ne sait pas comment les gens vont réagir. Le but, c’est qu’à la fin, le public en redemande. Et nous, ça nous donne envie d’écrire plus de chanson.
Moon Boy : Créer c’est un besoin naturel mais ce qui se passe sur scène, c’est de l’ordre de la transe. C’est aussi un échange amoureux instinctif. Le groupe sur scène, comme le public, oublie son quotidien l’espace d’un instant : il n’y a plus que la musique.
Propos recueillis par Sarah Koskievic