A l’occasion de l’annonce de la venue de The xx à Rock en Seine (leur seule date française de l’été), retour rapide sur la sortie de leur premier album, qui rappelle l’importance de la liberté des artistes signés sur des labels réellement indépendants.
En 2009, le tube qui résonne dans la tête de nombreux adolescents est froid et intimiste : c’est « Crystalised » de The xx, un titre à la production dépouillée et au riff de basse caractéristique. Viendront ensuite « Basic Space », « Intro », « VCR » et bien d’autres, faisant de cet album éponyme l’un des succès les plus francs et les plus inattendus de l’année… et ce alors même que le disque sort chez un petit indépendant : Young Turks.
Ce label est né à Londres, en 2006, de l’esprit d’un organisateur de soirées musicales plein d’audace, Caius Pawson, et de l’aide du boss d’un autre label, XL Recordings (…), Richard Russell. Après une descente de flics lors d’une soirée organisée dans un bâtiment public abandonné, ce dernier propose à Pawson de passer l’étape supérieure et de fonder son propre label, qu’il lui offre d’héberger dans ses locaux. Dès lors, Pawson ne chôme pas et sort une vingtaine de disques en près de deux ans, qui montrent ses goûts variés et… son flair. Trouvent leur place au sein du label autant le brit rock classique de Jack Peñate que l’electronica krautrock de Holy Fuck, en passant par l’indie rock vaguement bruitiste de Wavves et le duo électro expérimental Tanlines.
La troisième année, Caius Pawson arrive à imposer à l’agenda de son label l’enregistrement d’un album pour The xx, qu’il vient de repérer. L’ingénieur du son en chef du studio, Rodaigh McDonald, est impressionné par la qualité de la recherche sonore de leurs demos et veut enregistrer un album fidèle au son si spécifique du groupe. « Je voulais que ça sonne comme des gens qui jouent dans une pièce, davantage que ce genre de son lisse, parfait et cristallin », explique-t-il à la revue Sound on Sound.
Dans ce commentaire, il hisse le lo-fi, le DIY et les « bedroom projects » comme des textures sonores qui ont leur place dans l’espace de la musique mainstream… Au passage, il offre une autre vision que celle des grosses maisons de disques : les majors recourent à l’emploi d’overdubs pour grossir le son, font produire un album par des tas de professionnels aux goûts « calibrés » et veulent un single à tout prix.
Le premier album de The xx, qui s’est vendu à des centaines de milliers d’exemplaires (il est disque de platine en Grande Bretagne), rappelle que les labels indépendants peuvent parfois battre les majors à leur propre jeu grâce à l’audace, l’innovation et la liberté : « Ce qu’on essaye de faire, c’est de travailler avec des artistes qui savent déjà ce qu’ils veulent, ou bien on leur laisse le temps d’y réfléchir. Ensuite, on ne fait qu’accentuer ce qu’ils savent déjà faire », explique Caius Pawson au Guardian en 2011.
Aujourd’hui, Young Turks est toujours l’un des labels indépendants les plus fins du Royaume-Uni et sort les disques de révélations comme SBTRKT, John Talabot, FKA Twigs, Sampha ou encore Jamie XX. Longue vie à eux.
Théo Chapuis