Pour réviser un peu avant leur retour triomphal à Rock en Seine, voilà trois moments-clés dans la carrière de Franz Ferdinand, quatre Anglais dans le vent qui ont su rendre ses lettres de noblesse au mal-aimé terme « pop rock ».
« One for the money. Two for the show. Three to make ready. And four to go… » Demandez à Elvis, à Gene, à Chuck ou à Jerry Lee : en premier lieu, le rock a été inventé pour danser. Si des tas de musiciens l’ont un peu oublié en cours de route, à l’aube du nouveau millénaire, un groupe s’est chargé de le rappeler à la Terre entière : Franz Ferdinand.
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La salvatrice collaboration avec Sparks
Suite à la sortie très remarquée de son premier album, la course de Franz Ferdinand ne fait que commencer. Les albums s’enchaînent avec plus ou moins de constance (les riffs solides de You Could Have It So Much Better) et de rupture (les synthétieurs prédominants de Tonight : Franz Ferdinand). Pourtant en 2015 Franz Ferdinand réalise quelque chose de rare et risqué dans la carrière d’un groupe : un album collaboratif. Et pas avec n’importe qui.
Nous sommes en 2004. Ils ont beau être les membres de Sparks, une des plus cultes formations d’art rock, les Californiens Ron et Russell Mael découvrent Franz Ferdinand comme n’importe qui : grâce à « Take Me Out » qui passe à la radio. « Cette chanson avait quelque chose », raconte Ron à la version écossaise du Herald : « Russell et moi avons toujours été fascinés par les contraintes rigides des pop songs, et ce qu’on peut faire pour pour les dépasser : il nous a semblé que « Take Me Out » explorait ces possibilités ».
La bonne nouvelle, c’est que l’amour de Sparks pour Franz Ferdinand n’est pas unilatéral : dans un article, les deux frères lisent que les Ecossais déclarent s’inspirer de Sparks. « Alors on a décidé de se rencontrer », explique Ron Mael. Le rendez-vous a lieu à Los Angeles et les deux étranges musiciens sont séduits par les Ecossais. Ce n’était d’ailleurs pas gagné d’emblée : « On n’a pas beaucoup d’amis musiciens », continue le musicien américain « alors ça a débouché sur une situation rare où après avoir rencontré un groupe nous avons trouvé ça cool de discuter avec eux ». Peu après le départ des Ecossais, les deux Sparks envoient la démo d’un premier titre en guise d’invitation à collaborer ensemble : l’excellente « Piss Off », qui se retrouvera sur le disque ensuite.
Malgré l’envie de travailler ensemble, la popularité envahissante de Franz Ferdinand ainsi que les nombreux projets de Sparks les empêchent de se réunir une bonne fois pour toutes afin de travailler ensemble. C’est une rencontre tout à fait par hasard dans une rue de LA entre les deux groupes en 2013 qui va définitivement relancer le projet sur les rails : Sparks et Franz Ferdinand passent 18 mois à s’envoyer idées et bandes démo au-dessus de l’Atlantique.
« On n’avait pas vraiment l’intention de faire un album, ou de partir en tournée », se remémore Alex Kapranos de Franz Ferdinand auprès du quotidien écossais. « On s’est juste envoyé et renvoyé des chansons, jusqu’à ce qu’on se dise que ça commençait à ressembler à un album. Mais ni Sparks ni nous n’abordions le sujet [au moment de sa réalisation] ».
Les deux groupes se réunissent alors en studio pour 15 jours d’enregistrement à la fin de l’année 2014. Ils travaillent dans une ambiance chaleureuse, chacun apportant ses propres inspirations : influencé par le duo formé par Lee Hazlewood et Nancy Sinatra, Alex Kapranos propose par exemple à Russell Mael de singer les deux crooners sur le titre « Little Guy From The Suburbs ». « Nous avons essayé de sortir de nos zones de confort respectives », assure le chanteur de Franz Ferdinand. Il poursuit : « D’ailleurs je suis plutôt ravi que cette collaboration n’ait finalement pas lieu en 2004 parce que ça n’aurait probablement abouti qu’à un split-single, comme nous l’avions déjà fait avec The Fire Engines, où nous aurions repris une chanson de Sparks pendant qu’ils auraient repris l’une des nôtres. Le résultat aurait été un peu limité, alors qu’avec la perspective et le temps que nous nous sommes donné, nous avons réalisé que nous pouvions produire quelque chose de davantage excitant ».
Plus de dix ans après leur première rencontre, le résultat sort le 9 juin 2015. Naturellement, ils nomment l’album FFS, d’après les initiales des deux groupes. Et malgré toute la crainte qu’on peut légitimement avoir devant un super-groupe comme celui-ci (comme le vide abyssal d’inspiration de Lulu de Metallica et Lou Reed), le résultat est à la hauteur du talent individuel des deux groupes.
Non seulement le disque est bon en général et ses morceaux variés, mais la collaboration donne aux deux entités une fraîcheur retrouvée toute bienvenue : « La combinaison a revitalisé le son de Franz Ferdinand et l’a mené dans une direction beaucoup plus intéressante, tout en permettant à Sparks un coup de projecteur mérité », dit par exemple la critique de Carla Gillis dans le magazine NOW.
Cette phrase synthétise à merveille la raison du succès de FFS et le coup de génie qui a poussé les deux groupes à unir leurs forces : Franz Ferdinand aurait pu choisir de sortir un nouvel album en pilote automatique, courant désespérément après la candeur de son premier effort – tandis que Sparks aurait pu rester cet infatigable groupe pour nerds qui n’a jamais eu la chance d’avoir le succès mainstream qu’il mérite.
Théo Chapuis