Pour réviser un peu avant leur concert à Rock en Seine, voilà trois moments-clés dans la carrière d’At the Drive-In, quintet aussi éphémère que fascinant, qui a marqué le passage d’un siècle à l’autre grâce à son énergie et son talent insolents.
Pour beaucoup, le nom « At the Drive-In », c’est comme une odeur de cannelle, le toucher d’un tissu, le souvenir d’un pays lointain… une madeleine. Il suscite la nostalgie d’un temps où la radio diffusait de la musique à guitares, où le terme « post-hardcore » faisait encore rêver (et non pas bailler), d’un rock flamboyant et urgent, choral, surréaliste, les émotions à fleur de peau.
Si la formule du punk rock à tiroirs d’ATDI ne fait plus tellement recette aujourd’hui, on parie que vous serez des milliers à prendre un pied monstrueux à Rock en Seine cet été devant la reformation des Texans. Mais pour vous y retrouver parmi leurs mélodies de guitare tirées par les cheveux et leurs rythmiques perdues quelque part entre le punk, la salsa et le hardcore, on vous propose de réviser avec trois dates essentielles dans l’univers du groupe.
Première partie : ICI
Deuxième partie : ICI
Un split chaotique
Jouer, enregistrer, sortir un disque, tourner, recommencer : non, ce n’est pas qu’un slogan sur un t-shirt et les débuts d’ATDI ressemblent à ceux de tout un tas de groupes respectueux de l’éthique do it yourself. Mais qui a déjà pris la route avec son groupe le sait : ce mode de vie peut vite s’avérer éreintant. Comme l’explique Omar Rodriguez-Lopez à LA Weekly en 2012, les tournées remplacent peu à peu le reste de ta vie :
« Nous sommes passés à l’âge adulte ensemble dans un van de tournée. On a vécu dans ce van entre nos 17 ans, quand nos hormones bouillonnaient, jusqu’à nos 25 ans, en gros. On a découvert l’amour ensemble, perdu nos amours ensemble, perdu des amis ensemble, trouvé des amis ensemble… On a tout fait ensemble. »
C’est inévitable : At the Drive-In finit par se séparer. En janvier 2001, lors d’un concert au festival Big Day Out à Sydney, le groupe quitte la scène au beau milieu de son set après avoir demandé en vain à un public chauffé à blanc de se calmer. Dans une atmosphère tendue, Cédric Bixler-Zavala sort de son rôle de chanteur et se met à haranguer la foule : « Vous êtes un robot ! Vous êtes des moutons ! », avant de bêler (hum) et de lancer une ultime provocation :
« Je trouve que c’est une très, très triste journée si le pogo est la seule manière dont vous êtes capable de vous exprimer. »
Aïe. La condescendance n’est pas le signe d’un groupe en bonne santé. Le mois suivant, At the Drive-In annule les cinq dates de sa tournée européenne, pour cause « de total épuisement mental et physique ». Sur le site officiel, Blaze James évoquera trois cas de sévère grippe au sein du groupe. Mais au fond, At the Drive-In n’y arrive plus.
Les raisons sont nombreuses (et évidentes) : les tournées interminables, la hype autour de Relationship of Command à laquelle ils n’étaient pas préparés, les différences artistiques… et la drogue : « Pendant la dernière tournée d’At the Drive-In, je n’ai jamais joué autant de shows aussi merdiques et c’est à cause de ma consommation de drogues. Je ne me rappelle même pas de la moitié des concerts », confie Cedric Bixler-Zavala au magazine Harp en 2007. Après un dernier concert à Groningen, aux Pays-Bas, le 21 février 2001, At the Drive-In est définitivement cramé.
Malgré tout, la séparation surprend de nombreux fans et les explications de Bixler-Zavala et Rodriguez, qui prennent la responsabilité de la séparation, ne suffisent pas. Dans une interview à Alternative Press, en 2010, le guitariste confesse que le groupe n’a toujours tenu qu’à un fil :
« Il y a toujours eu cette division [entre Cedric et moi d’une part et les trois autres d’autre part]. C’est un truc que les gens ne comprennent pas parce qu’on ne parle pas souvent des affaires internes. […] Ca a toujours été moi et Cedric. […] Quand j’entends dire que notre séparation est sortie de nulle part, c’est simplement que ceux qui disent ça ne comprennent pas le contexte : on a dû splitter trois ou quatre fois avant de nous séparer pour de bon ! Trois ou quatre fois où moi, ou bien Cedric, ou bien Cedric et moi parlions de quitter le groupe car nos désirs étaient si différents des autres. Quand j’y repense, ça fait partie de la beauté du groupe, et de ce qui l’a fait marcher. […] C’était une dynamique très spéciale, et c’est ce qui a fait de ce groupe ce qu’il était. Je ne regrette rien. »
Un extrait qui en dit long, très long sur l’état de tension constante dans lequel le groupe a dû vivre pendant cinq longues années. Mais qui a dit que c’était facile d’accoucher d’un des disques de rock les plus importants de l’aube du XXIe siècle ?
Théo Chapuis