Emerger de l’underground sans aucune compromission est l’apanage de peu d’artistes. Merrill Nisker alias Peaches est sans doute la plus complète d’entre ceux-là, musicienne, productrice, cinéaste, activiste, canadienne débarquée en Europe dans le sillon de Gonzales et immédiatement remarquée pour son electroclash minimaliste et provoc. The Teaches Of Peaches, Fatherfucker, Impeach My Bush, I Feel Cream et Rub, en 2015, sont traversés par la question du genre et de l’égalité des sexes, thème raturé, corrigé, chiffonné puis remis à plat sans ménagement pour l’auditeur comme le spectateur de ses clips. Peaches bouscule aussi le public dans des prestations incandescentes, laboure les dancefloors d’une bass music instinctive et finalement essentielle.
Nous avons rencontré Peaches…
Vous avez été une influence pour nombre d’artistes féminines actuelles. Comment voyez-vous ces successeurs ?
Peaches : Je ne sais pas trop. Je ne pourrais vous parler que des artistes que j’ai pu rencontrer. Je n’ai jamais rencontré Lady Gaga par exemple… En ce qui concerne les chanteuses qui sont venues me voir, elles ont surtout souligné à quel point j’avais pu les aider dans la transition fille-femme et comment j’avais pu être une influence à l’opposé à l’image de la bonne princesse Disney. Elles m’ont dit que je les avais aidé à s’exprimer par elles-mêmes.
Votre musique a pu aider des gens à certains moments de leur vie…
Oui. C’est fou le nombre de choses qu’on a pu me dire à ce sujet. On pourrait en faire un livre. C’est très gratifiant.
Vous avez souvent dit que vous deviez vous réinventer, vous présenter à nouveau à chaque disque. C’est aussi une manière de toucher un nouveau public ?
Beaucoup de gens ont entendu parler de moi sans forcément avoir écouté ma musique. C’est aussi pour cela que les festivals sont intéressants, parce qu’ils poussent à la curiosité. Ce qui est amusant avec le nouveau public, c’est que parfois on m’appelle « madame ». Heureusement que personne n’ose dire « grand-mère » ! (rires)
A quel point le personnage de Peaches a pu prendre le pas sur vous ? Est-ce que la limite a parfois été floue ?
Vous ne le saurez jamais ! (rires) Plus sérieusement, je sais parfaitement qui je suis donc la limite n’est pas vraiment brouillée. Quand je suis sur scène ou quand je réponds à vos questions, je joue avec ce personnage. A la maison, je n’ai aucun problème à être moi-même, seule. Vous avez des difficultés à ne plus être journaliste ?
Je suis journaliste 24 heures sur 24 voyons ! (rires)
Et vous interviewez aussi votre petite amie ? (rires)
Ces dernières années, vous avez eu de nombreux projets. A quel moment avez-vous ressenti le besoin de revenir en studio pour enregistrer votre dernier album, « Rub » ?
Généralement j’enregistre un album, que je défends ensuite sur scène pendant 2 ans. En tout cas, cela a été mon rythme sur 4 albums. J’ai adoré ce style, ce rythme de vie. Mais à un moment donné, je ne me suis plus sentie vraiment inspirée. Et puis une salle m’a contacté pour savoir si j’avais une idée de spectacle. J’ai ouvert ma grande gueule et j’ai dit que je voulais faire la comédie musicale Jesus Christ Superstar. Ils ont été très réceptifs et m’ont demandé si je voulais faire autre chose en plus ! Je me suis donc retrouvée à faire deux spectacles. Cela s’est peu à peu transformé en film. Puis après m’avoir entendu dans Jesus Christ Superstar, des gens se sont aperçus que je pouvais chanter ! (rires) Et cela a débouché sur d’autres choses…
Que faites-vous durant votre temps libre ?
Je n’en ai simplement pas ! (rires) J’aimerais en avoir ! En fait, après ce concert à Rock en Seine, je vais enfin avoir 10 jours de pause avant de partir à nouveau en tournée. Je pense que je vais en profiter pour simplement aller au bord d’un lac avec mon petit ami et manger du pop corn au fromage.
Propos recueillis par Thomas Destouches