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Peter Peter : "Noir Eden est en réalité un album d'anxiété"

26 Août 2017
Peter Peter : "Noir Eden est en réalité un album d'anxiété"

Chanteur aux multiples casquettes (compositeur, producteur, parolier…), Peter Peter revient plus fascinant que jamais sur Noir Eden, un nouvel album dévoilé début février. Elaboré entre Paris et Montréal, ce recueil de chansons intenses est l’œuvre d’une personnalité qui s’enrichit sous nos yeux.

 

Le processus de création de Noir Eden a débuté au moment des attentats contre Charlie Hebdo. Ces événements ont eu une influence…

« Cela s’est imbriqué à l’intérieur de moi. Je n’ai pas tenté d’en écrire une chanson. J’ai un peu de difficulté avec tout ce qui est chanson engagée directe. Je préfère une approche métaphorique ou fantasmagorique. Autrement j’ai l’impression que l’on se sert de quelque chose, qu’on l’instrumentalise. Pour en revenir aux événements, cela a accentué mon anxiété. A cette époque-là, c’est devenu chronique. Je ne sortais déjà pas beaucoup mais dès que j’étais dehors, je pensais aux dangers éventuels dans le métro, au cinéma… Quand je faisais l’album, du côté de Montrouge, j’ai parfois eu l’impression de voir les premiers signes de l’apocalypse. Ces événements ont influencé ma psyché. C’est pour cela que Noir Eden est en réalité un album d’anxiété. Dans la chanson Allégresse, grandement inspirée par l’écriture automatique, j’y fais allusion. »

 

 

L’album débute avec la chanson Bien réel et offre une forme de clé de lecture avec ces paroles : « J’imagine que c’est bien réel »…

« Je ne l’avais pas encore vu comme ça. Je suis fasciné par les interprétations dont on me parle. Pour moi l’album est assez narratif et finalement quand je l’entends dans la bouche des gens, je me rends compte qu’il sert mieux l’histoire que moi. Pour en revenir à cette chanson, j’avais l’impression de ne pas être vivant. C’est aussi parce que c’est la première fois que j’écrivais un album en m’obligeant à avoir des horaires de travail précis sur une journée, comme une personne dans un bureau. Parfois je n’étais plus sûr de la réalité ou du rêve. Bien réel raconte cela, tout ce qu’il y avait dans ma tête, mes peurs, mes démons… Et j’y croyais. »

Noir Eden s’envisage comme un trip onirique. On est dans une forme de réalité rêvée… mais dans une réalité tout de même.

« Totalement. Parfois tu as l’impression de saisir la réalité et parfois elle t’échappe totalement. C’est un peu l’histoire de ma vie. Quelquefois j’arrive à reconnecter avec les gens avant de repartir dans ma tête. »

Est-ce que cet album ne raconte finalement pas cela : vous face au processus de création?

« C’est ça : l’histoire d’un gars qui écrit un album dans un 30m² à Montrouge. Les années précédentes, j’avais beaucoup voyagé sans forcément écrire grand chose. J’étais devenu paresseux et j’avais peut de m’engager à nouveau dans la musique. Puis je m’y suis remis, à écrire du matin au soir. Noir Eden raconte en effet cela, tout ce périple à l’intérieur de ma tête, tout ce que j’ai fait pour essayer de m’y perdre et d’en sortir. »

 

 

L’album a été composé en majeure partie en France. A quel point le lieu où on habite influence ce qu’on écrit ?

« Paradoxalement je n’ai jamais été aussi casanier que pendant la création de ce disque ! A mon arrivée en France, je sortais un peu mais je ne cherchais pas forcément à me faire des amis. Ainsi, Noir Eden est davantage un album d’appartement qu’un album « de » France. Mais être ainsi dans un nouveau pays, où je n’étais pas nécessairement intégré, a beaucoup joué justement. C’est amusant, je fais cet album en France et pourtant il n’y a aucune forme de contemplation de la culture. »

Vous dites que vous notez souvent des idées, des sentiments sur le bloc notes de votre téléphone. Quelle est la dernière entrée dans votre bloc notes ?

« J’y écris tout. De la poésie, des idées de romans, des bribes de chansons, mes comptes ! Avant je notais tout dans des cahiers. A une période de ma vie, j’étais hyper rigoureux. Et parfois je l’étais moins et je me retrouvais avec des cahiers à moitié remplis. Le bloc notes me rend un peu plus pragmatique. Je ne peux pas oublier ce que je note, ni le perdre, vu que tout est automatiquement sauvegardé dans le cloud. Il y a de tout là-dedans. »

Il s’est passé 5 ans entre vos deux albums. A quel point c’est difficile de se remettre à écrire, à imaginer, à composer ?

« Très ! Avant je ne me posais pas trop de questions à propos de l’écriture ou de l’inspiration parce que je le faisais tout le temps. Cela faisait partie de ma routine. Quand je suis arrivé en France, je me suis dit qu’il ne fallait pas que je me disperse. Mais j’ai perdu l’habitude d’écrire. Lorsque je me suis remis à l’écriture, j’ai eu l’impression de devoir réapprendre à marcher. J’avais aussi perdu une certaine confiance. Peu à peu c’est revenu et ce n’est heureusement jamais reparti. Certains artistes trouvent cela salvateur de prendre 5 ans de pause. Moi, je n’ai pas envie de fermer le robinet. »

Propos recueillis par Thomas Destouches